Regardez bien les personnages : la femme, très élégante, avec ses hauts talons et sa jupe serrée, se dirige avec assurance vers l'horizon, comme si elle allait simplement chez son coiffeur. L'homme allongé dans l'herbe, le walkman sur les oreilles, plongé dans son polar années 1950 n'a rien vu, rien entendu : il est la victime désignée de l'ahurissement de notre conducteur d'engin dont on sent bien qu'il ne pourra pas détacher le regard de la silhouette féminine et que cette occupation incapacitera toutes ses autres facultés jusqu'au drame inévitable. On entend presque les dents et les lames de l'engin, mais nous sommes bien les seuls: la femme n'appartient pas à ce décor et les deux hommes, les oreilles recouvertes, l'attention ailleurs, courent vers leur destin avec une certitude qui provoque chez le spectateur un sentiment de stupeur. Heureusement, le décalage des situations, par son humour, rend l'image supportable. On ne peut pas ne pas penser à certaines scènes d'Hitchcok.
